La création des premiers bataillons de soldats coloniaux, incarnation de la puissance de l’empire colonial français, débute dans les années 1840 : tirailleurs algériens (1841), corps de spahis (1845) et tirailleurs « sénégalais » (1857), ces derniers devenus le symbole au cours de la Grande Guerre des troupes coloniales. A partir de 1910, du fait de la crise démographique que connaît la France, leur recrutement se renforce. 200 000 soldats d’Afrique Noire (92 bataillons), 300 000 Maghrébins (83 bataillons algéro-tunisiens, 12 bataillons marocains), 49 000 Indochinois (17 bataillons) et 41 000 Malgaches (10 bataillons) sont enrôlés entre 1910 et 1918. Ils représentent environ 15 % de l’ensemble des troupes françaises. Basé au départ sur le volontariat, l’enrôlement prend au cours de la guerre un caractère de plus en plus contraint et entraîne de vives résistances, en Afrique occidentale française et en Afrique du nord.
Un soldat sénégalais en Alsace, 1917. Louis Charlot. Huile sur toile. 80x85 cm
L’arrivée des coloniaux sur le territoire français représente pour bien des Français la première confrontation avec les habitants de ces lointains territoires colonisés. Les représentations produites durant la Grande Guerre à leur sujet témoignent d’une évolution de l’imaginaire : le colonial, en particulier l’homme noir, n’est plus vu comme un sauvage anthropophage. La guerre amène avec elle une vision plus réaliste : la perception du soldat colonial tout en restant inégalitaire et dévalorisante, devient plus amicale et familière. Il est désormais perçu comme un enfant à éduquer plutôt que comme un sauvage. Dans le même temps, on célèbre ses qualités de combattant et son courage face à l’ennemi. En revanche, certains clichés restent fortement ancrés dans les mentalités. Images caricaturales et représentations plus réalistes se côtoient donc tout au long de la guerre. Le vocabulaire employé témoigne d’une méconnaissance persistante des cultures d’origine de ces soldats dont on identifie mal l’origine géographique, les coutumes ou la religion (tous sont considérés comme musulmans) : « Sénégalais » est employé pour désigner des soldats venant de toute l’Afrique occidentale française, les termes « turcos » ou « zouaves » sont appliqués à tort aux soldats d’Afrique du nord. Le terme vague « indigène » désigne les coloniaux de toute origine. En réalité, les zouaves sont majoritairement composés de Français métropolitains. Les tirailleurs ou soldats à pied sont recrutés en Afrique occidentale française, en Afrique du Nord, à Madagascar et en Indochine (Annamites et Tonkinois). Les soldats à cheval, spahis ou goumiers, quant à eux, proviennent d’Afrique du nord.
La sélection d’images présentée dans ce dossier se concentre sur les dessins, peintures et photographies appartenant au fonds de la Section photographique de l’armée (SPA) conservés dans les collections de la BDIC. Elle laisse de côté affiches, presse et ouvrages publiés au cours de la guerre.
Dossier réalisé par Amélie Cucchi, Clara Colantonio et Zoé Wilmart (étudiantes UPON L3 PPE)