La France n'a jamais été un monde clos. Contrairement à d'autres pays d'Europe, la France a été de longue date une terre d'immigration. Le phénomène s'intensifie au XXème siècle avec l'arrivée de Belges, Allemands, Italiens. Après la Première Guerre mondiale, ce sont les habitants des colonies qui arrivent en France, puis les Espagnols dans les années 1930. Après la Seconde Guerre mondiale, les immigrés sont des Algériens et des Portugais, notamment pour répondre aux besoins en main d'oeuvre d'un pays qui se reconstruit et se modernise. Les Algériens, alors français, bénéficient de la libre circulation depuis 1947. entre 1956 et 1964, ils sont 200 000 à arriver sur le territoire français.Les Italiens reviennent également : en 1954, ils sont 500 000. Enfin, les Portugais forment avec les Algériens les principales populations immigrées durant la période des Trente Glorieuses. Nanterre ne fait alors pas exception. De 1954 à 1974, la ville est en effet marquée par une immigration économique, les "Vingt Glorieuses" du travail des immigrés.
Ce dossier, établi à partir des sources conservées à La contemporaine, se centre sur trois thématiques : le travail et le droit des travailleurs immigrés, leur logement, leur vie quotidienne.
Il propose une vision renouvelée de l'immigration en France dans les années 1950 à 1980 en se focalisant sur le cas particulier de la ville de Nanterre, située dans les Hauts-de-Seine. Comme de nombreuses autres villes de banlieue - Vénissieux (Lyon), Aubervilliers (Paris) - il s'agit d'un espace représentatif et symptomatique de l'immigration dans la France d'après-guerre. Les photographies présentes dans le dossier appartiennent au fonds Jean Pottier, journaliste et photographe originaire de Nanterre. Un tract est tiré du fonds Saïd Bouziri, figure marquante des luttes pour le droits des immigrés depuis les années 1970. Enfin, les extraits d'un rapport d'activités proviennent des archives de la CIMADE, Comité inter mouvements auprès des évacués.
Bibliographie indicative
AMAR, Marianne, MILZA, Pierre. L'immigration en France au XXème siècle. Paris, Armand Colin, 1990, 331 pages.
BENAÏCHA, Brahim. Vivre au paradis. Desclée de Brouwer. Coll. Habiter, 1992, 304 pages. Autobiographie racontant l'enfance d'un garçon né en Algérie, venu vivre en France avec sa famille. il a grandi dans un des bisonvilles de Nanterre.
MAFFRE, Laurent. Demain, demain. Suivi de 127, rue de La Garenne : Nanterre, bidonville de la folie 1962-1966. Paris, Actes sud, 2012, 142 pages : bande dessinée relatant le quotidien d'une famille dans le bidonville de la Folie à Nanterre.
NOIRIEL, Gérard. Atlas de l'immigration en France : exclusion, intégration.... Paris, Autrement, 2002, 63 pages.
TEMIME, Emile. France, terre d'immigration. Gallimard, 2007, 160 pages. coll. Découvertes Gallimard.
Dossier réalisé par Mathilde Escure et Mélanie Mousseaux, étudiantes de licence 3 histoire-histoire des arts. Cours "Histoire en action". Université Paris-Nanterre, mai 2018.
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Une grève pour devenir français (1)
Tract. Fonds Saïd Bouziri. Arc. 0057/12. Coll. La Contemporaine. Ce document tiré du fonds Said Bouziri réunit de nombreux témoignages des mouvements de sans-papiers et de travailleurs immigrés. Said Bouziri est une figure marquante des luttes de l'immigration depuis les années 1970, années où il crée le Mouvement des Travailleurs Arabes (MTA).
Ce tract de format A4 a été distribué aux ouvriers de l'usine Margoline de Nanterre, afin de les informer d’une grève qui vient d’éclater dans l’usine. Le titre, "Première victoire pour les grévistes immigrés de Margoline", et les signataires, "Les travailleurs de chez Margoline soutenus par le Comité de Défense de la Vie et des Droits des travailleurs immigrés", nous indiquent que les auteurs sont des travailleurs immigrés de l’usine.
Margoline était une entreprise de recyclage du papier qui employait à Nanterre des chauffeurs français et des immigrés ayant leurs papiers, des éboueurs immigrés sans-papiers qui chargeaient et déchargeaient les camions, des ouvriers sans-papiers qui travaillaient sur la presse et la mise en balles du papier, et des trieuses sans papiers yougoslaves. Le texte contient des erreurs linguistiques, des phrases mal formulées et des fautes d'orthographe : les auteurs ne sont pas à l’aise avec la langue française. Le document comporte une page de texte en français sur le recto et une page en arabe sur le verso. On voit donc qu'il est destiné à une population arabophone, ici aux nombreux ouvriers maghrébins. Ce tract bilingue n’est pas unique, il en existe notamment en français/espagnol.
Le tract est organisé chronologiquement, en relatant les faits au jour le jour. Dans le premier paragraphe les auteurs indiquent que la grève a débuté le lundi 21 mai 1973. Les grévistes dénoncent des conditions de travail difficiles (« comme des esclaves ») et un manque administratif et juridique (« sans-papiers sans fiches de paie »). Dès le premier jour de grève, la préfecture des Hauts-de-Seine accepte de délivrer des récépissés de titre de séjour aux travailleurs de Margoline, comme il est indiqué dans le deuxième paragraphe. Le quatrième paragraphe relate la journée du mercredi 23 mai 1973 où une altercation entre le patron et les grévistes a lieu, entraînant l'intervention de la police. Enfin, le dernier paragraphe, qui porte sur la journée du jeudi 24 mai, indique que les ouvriers ont obtenu la signature d'un accord. Le patron s’engage non seulement à soutenir la régularisation de ses ouvriers, à fournir des fiches de paie, mais aussi à augmenter les salaires, réduire le temps de travail, installer des douches et des vestiaires... Mais il manque toujours aux ouvriers les cartes de travail, une autorisation administrative accordée à un ressortissant étranger. La grève se termine mais le combat des travailleurs continue avec notamment l'annonce d'un meeting.....
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Une grève pour devenir français (2)
Tract. Fonds Saïd Bouziri. Arc. 0057/12. Coll. La Contemporaine. Verso. Traduction en arabe du tract pour la grève de Margoline en 1973.
........La grève de 1973 à Margoline est originale dans sa forme mais elle est représentative dans le fond du problème des travailleurs immigrés à Nanterre mais aussi dans toute la France. Les conditions de travail à Margoline étaient en effet déplorables : absence de douches, vestiaires, gants, bleus de travail, pour un travail de douze heures par jour à charger et à décharger. Des affections tuberculeuses ont d'ailleurs été détectées chez deux ouvriers. Au lancement du mouvement, la grève réunit les cinquante-deux ouvriers de l'usine de Nanterre puis elle s’étend à l'usine de Gennevilliers. Cette grève, portée par des sans-papiers, est une lutte originale car hors des programmes des organisations reconnues dans les luttes ouvrières. Le mouvement s’étend ensuite à d'autres usines telles que Préblocs, Igla, Simca, entre autres, elles aussi situées à Nanterre. Une deuxième grève, de plus grande ampleur, éclate le 3 décembre 1973 car les accords de mai n'ont pas été respectés. La grève est alors médiatisée, comme dans L'Eveil, un journal local de Nanterre, qui s’intéresse aux rôles la CGT et des élus locaux. D'une simple grève de " sans-papiers ", l'affaire devient publique. Georges Gorse, le ministre du Travail de l'époque, sous la tension engendrée, émet une circulaire permettant la régularisation, à condition de présenter un contrat de travail, de tous les sans-papiers entrés en France. C’est la première «vague de régularisations» que connaît la France de l’après-guerre.
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La Défense, chantier et ouvriers
Fonds Jean Pottier. Coll. La Contemporaine. Jean Pottier est un journaliste et photographe de presse, originaire de l'ouest parisien. Il travaille d’abord pour Panorama Chrétien, puis au Nouvel Observateur, ou encore auprès d’Usine Nouvelle. Son travail met en images les événements centraux de l'histoire de son département de naissance et de vie. Il a travaillé, entre autres, sur Mai 68 et sur l'immigration dans la ville de Nanterre. Il est l'auteur de photographies à destination du grand public, comme ici, où il montre le travail sur les grands chantiers d'après-guerre. Ces photographies s'inscrivent dans un travail de documentation de la vie des immigrés dans les années 1960 et 1970.
La mise en scène adoptée ici par Jean Pottier offre une vision nouvellement positive du travail immigré.
Sur le premier cliché, le spectateur est en présence d'un homme qui lui fait face et soutient son regard. Il porte un casque, ce qui le définit comme ouvrier, de même que son bleu de travail et ses mains qui témoignent de son labeur. Dans son dos, nous apercevons des rails et la gare de la Défense. Son bras gauche, nonchalamment appuyé sur une structure en bois, coupe la composition sans pour autant masquer l'ouvrage auquel il participe : la construction d'un des plus grands centres économiques mondiaux. De par sa composition réfléchie, cette photographie a fait l'objet d'une mise en scène : en témoignent l'attitude de l'ouvrier, qui pose, son expression faciale, qui esquisse un léger sourire, ou encore la focale courte qui floute l'arrière-plan.
Le second cliché présente une composition similaire. Il est toujours question d'un homme, au centre de l'image. Il est là, isolé du spectateur, et n'interagit plus qu'avec le bâtiment, qu’il a pour tâche de construire. Ce même bâtiment semble l'écraser alors qu'il se recroqueville sur son outil, un marteau-piqueur. Coincé dans le coin du bas à gauche, il n'en est pas moins très présent : le spectateur ne voit que lui, l'ouvrier concentré sur son ouvrage.
Ces photographies témoignent d'une période de croissance économique majeure dans l'après-guerre : ce sont les Trente Glorieuses. Plus précisément, dans le cas présent, nous pouvons parler du travail des Vingt Glorieuses des immigrés, selon Emile Témine - qui s'étalent de 1954 à 1974. La main d'œuvre est alors composée de travailleurs sans qualification : des manœuvres, des journaliers, des ouvriers spécialisés, embauchés massivement dans les grands chantiers de l'après-guerre, comme celui de la Défense. L’expression de "travailleurs immigrés" apparaît dans la période et regroupe tous ces hommes, et quelques femmes, recrutés souvent pour un emploi provisoire. Le nombre de ces immigrés croît de manière remarquable : ils sont 1 765 000 en 1954, 3 680 000 en 1982.
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La Défense, chantier et ouvrier
Fonds Jean Pottier. Coll. La Contemporaine.
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La Défense, chantier et ouvrier
Fonds Jean Pottier. Coll. La Contemporaine.
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Se loger dans les Trente Glorieuses
Fonds Jean Pottier. Coll. La Contemporaine. Cette photographie en noir et blanc est une vue des bidonvilles et du chantier de la Défense. Le fonds rassemble des photographies de 1957 à 1964.
Sur cette photographie, on peut voir un paysage urbain très contrasté. Après que les hôteliers ont construit des baraques autour des usines pour loger les ouvriers immigrés, ces derniers finissent par ériger, dès 1956, leurs propres logements précaires. En 1968, Nanterre compte neuf bidonvilles qui regroupent plus de 14 000 habitants – soit près de 17% de la population totale (90 332).
Au premier plan, ce qui attire tout de suite l'œil, c'est le bidonville. On peut deviner qu'il s'agit de celui de la Folie dont l'adresse administrative est le 186, rue de la Garenne à Nanterre. On y voit des baraques vétustes mais qui relèvent d’une réelle organisation : les habitations sont agencées de manière à former des allées et des cours. La présence de pierres sur les toits a pour but ici de fixer les tôles. On peut voir de l'animation et de la vie dans le bidonville : au premier plan, des hommes réparent les toits ; des jeunes adolescents discutent entre eux. On voit également des cordages avec du linge étendu. Tous ces éléments attestent d'une vie quotidienne finalement banale en relation avec le caractère informel de l'urbanisation.
Au deuxième plan, non loin des baraques mais séparés par des arbres, on perçoit les pavillons résidentiels en dur de la « classe moyenne blanche montante ».
Tout au fond, se dresse les premières tours du quartier de la Défense. On voit une grue au fond à gauche qui atteste d'une construction en cours, le CNIT qui domine, ainsi que la Tour Esso, la première du quartier d'affaires. Ces bâtiments nous permettent de dater la photographie : elle est postérieure à 1963 grâce au CNIT, inauguré en septembre 1958 et la tour Esso en 1963.
Tout l'intérêt du document réside dans les contrastes urbains et socio-économiques de l'ouest parisien dans les années 1960. Il faut pourtant noter que les habitants du bidonville sont ceux-là même qui ont construit le plus riche quartier d'affaire de France. Outre la cohabitation spatiale, une autre, bien plus concrète, existe entre les ouvriers qui aménagent les nouvelles tours, pendant que les premiers hommes d'affaires viennent travailler dans celles-ci. .
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Les Baraques
Fonds Jean Pottier. Coll. La Contemporaine. Jean Pottier découvre le bidonville de la rue de la Garenne en 1956. C'est un monde qui l'interpelle, si bien qu'il y retourne régulièrement, pendant sept ans, entre 1957 et 1963, pour en capturer l'atmosphère. Les photos présentées ici sont en réalité les deux premières d'une longue série.
Sur la première photo, un homme se tient penché au-dessus d'une bassine. Il est en train de faire sa lessive devant sa baraque dont la porte est entrouverte. La baraque est composée de bric et de broc : des tôles recouvertes de bâche pour l’étanchéité du toit ; des panneaux de bois fixés sur des tasseaux pour les murs ; un tuyau métallique en guise de cheminée. Les risques d’incendie font partie du quotidien, dans cet espace où la moindre braise peut réduire en cendres des dizaines d’habitations en l’espace de quelques minutes. L'homme lui-même se trouve très loin du spectateur, séparé de lui par un chemin boueux. Le second personnage est également isolé dans un coin de la composition, presque tronqué, presque caché derrière un fil à linge sur lequel pendent déjà quelques vêtements.
La seconde photo ne comporte aucun personnage. C'est ici une baraque qui fait office de sujet. Pourtant, elle est en partie barrée par un arbuste sans feuille, et un fil à linge. Il semblerait que nous soyons dans une sorte de cour bordée par d'autres baraques d'une part, un grillage d'autre part. L'œil du spectateur s'attarde surtout sur la pancarte, fixé à l'un des poteaux du grillage : elle porte le nom de la famille portugaise qui vit là, les Gimeno, et leur adresse, 186, rue de la Garenne. Pourtant, il ne s'agit pas là de l'adresse propre aux Gimeno mais de celle de tout le bidonville - officiellement, des centaines de famille sont en effet domiciliées au même numéro.
L'œuvre photographique de Jean Pottier témoigne d'un humanisme poignant, alors qu'il est l'un des rares à mettre en lumière une situation que les autorités cherchent à cacher. Les images ne sont pas embellies, les hommes et femmes ne sont pas mis en scène : ils vivent simplement là, et sont photographiés dans la banalité de leur quotidien. Il s'agit d'une véritable démarche ethnographique.
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Vivre au bidonville
Fonds Jean Pottier. Coll. La Contemporaine. Avec cette photographie, le spectateur entre finalement dans une baraque dont la porte lui était ouverte sur le cliché antérieur. La photographie est ici encore tirée du fonds Jean Pottier. Les accords d'Evian, en 1962, prévoient une liberté d'entrée et de sortie totale des Algériens sur le territoire français. Le mouvement de reflux attendu par un tel dispositif ne se réalise pas. C’est l'époque des "regroupements familiaux" : femmes et enfants viennent rejoindre les "célibataires", leurs maris et pères, qui travaillent en France parfois depuis les années 1950.
Un homme qui pose debout, le regard face à l'objectif. L'homme, un maghrébin d'une quarantaine d'années est habillé sobrement. Son visage affiche une expression d'humilité et de gène. Derrière lui se trouve un mur formé de planches de bois, où sont suspendus une assiette, un torchon, une lampe à pétrole. Cette dernière qui indique qu'il n'y a pas de source d'électricité dans la baraque. Devant lui, disposés sur des tables se trouvent des ustensiles de cuisine - une casserole et un fond de tarte - ainsi que de la nourriture. A gauche, une main dépasse, qui laisse supposer qu'il y a d'autres personnes vivant à cet endroit : sa femme ? un collègue ? Combien était-il à vivre dans cette minuscule baraque ?
L'intérêt de cette photographie est d'informer sur la vie dans un bidonville, l'organisation intérieure d'une baraque. On sait que le bidonville de La Folie s’organise en séparant célibataires et familles, mais aussi selon les regroupements communautaires définis par le pays d'origine, que sont les pays du Maghreb ou le Portugal. La plupart des baraques ne comportent qu'une pièce, on peut alors supposer que derrière le photographe se trouvent les lits. L'organisation se fait donc en fonction de la place présente, ce qui nécessite de créer des "coins" (coin cuisine, coin chambre). En mettant en valeur les habitants, Jean Pottier joue sur le ressort récurrent de sa démarche photographique : l'équilibre entre pauvreté et dignité.
Alors qu'à la même époque, les classes moyennes accèdent aux commodités des grands ensembles, la pauvreté des bidonvilles est stigmatisée dans l'opinion publique : ces populations précaires sont incapables de vivre "à la française" dans des logements pérennes. Pourtant, certains habitants des bidonvilles sont des ouvriers aux revenus réguliers, qui ont parfois une voiture ou une poste de télévision. Le problème n’est pas financier mais culturel : pour les immigrés maghrébins, avoir un toit, c’est le posséder – ce qui n’est pas compatible avec le paiement d’un loyer. En revanche, au bidonville, l'acte de propriété réside en l'installation même. Quant à ceux qui acceptent de se plier à la "culture française de la propriété", ils peinent à accéder à un logement dans ces barres et ces tours : les politiques publiques ne parviennent pas à suivre la demande.
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Agir pour le bidonville
Fonds CIMADE F Delta 2149/1001. Coll. La Contemporaine. Ce document est un rapport d'activités de la CIMADE daté de septembre 1968. La CIMADE, Comité inter mouvements auprès des évacués, est une association de solidarité et de soutien politique. Tournée vers les migrants, les réfugiés et les déplacés, ainsi que les demandeurs d'asile et les individus en situation irrégulière, elle est fondée par des protestants en septembre 1939, soit au début de la Deuxième Guerre mondiale. Son action s'organise autour de diverses actions sociales, au nombre desquels on compte une assistance juridique, sociale, culturelle, professionnelle et politique.
Ce rapport dresse le bilan des actions de la CIMADE à Nanterre, auprès des immigrés des bidonvilles et des cités. Le compte rendu est très complet : les objectifs de l'équipe, ses moyens matériels et humains, les relations internes et externes à la CIMADE, ses activités ainsi que ses perspectives. Il s'agit à l’origine d'un document de quatre pages. Sont présentées ici la première et troisième page.
En s'installant à Nanterre, la CIMADE poursuit une démarche déjà entreprise dans d'autres quartiers de la banlieue parisienne.
Son objectif comprend trois axes majeurs : participer à la formation d'un organisme mettant en lien les associations et personnes œuvrant déjà auprès des immigrés de Nanterre, créer une relation de confiance avec les enfants, les familles et les ouvriers immigrés. Enfin, la CIMADE aspire à créer un centre de réflexion commun sur "migration-développement", en donnant notamment des responsabilités aux étrangers, afin qu'ils participent réellement aux actions.
Les ressources dont dispose la CIMADE se résument à des jeux et à du matériel pédagogique stockés dans un "appartement 5 pièces, sonore - dans un ensemble français raciste, petit bourgeois" – il s’agit de l’espace où l’équipe de la CIMADE de Nanterre reçoit les familles des bidonvilles pour leurs ateliers. Nous pouvons ici imaginer la réaction de ces Français « raciste[s], petit[s] bourgeois » qui voient chaque jour ces « autres » du bidonville venir occuper un logement à côté du leur pour participer aux activités de la CIMADE.
Les démarches de la CIMADE sont destinées à la fois aux enfants et aux familles. Les premiers bénéficient d'un soutien scolaire en français et en portugais, de classes de dessin, et d'atelier de loisirs, de jeux, promenades, de couture et de cuisine. Les seconds reçoivent une alphabétisation et des conseils familiaux et administratifs. La CIMADE souhaite également, en 1968, élargir ses activités en proposant des cours d'arabe, de portugais - dans la mesure où elle est consciente de la "valeur" qu'accorde les immigrés à leur "civilisation" d'origine. Elle aspire également à organiser un planning familial et à développer certains ateliers comme la couture. En revanche, en raison d'un manque de personnel, une "conscientisation syndicale et politique" semble, selon les auteurs, impossible à mettre en place.
L'ensemble des actions de la CIMADE dépasse l'ambition d'aide sociale pure. Elle vise en réalité une formation très large, à la fois sociale, culturelle, politique mais aussi professionnelle. Il n'est pas question pour la CIMADE de procéder à une acculturation natale des immigrés en supplantant la culture algérienne ou portugaise par la culture française : en témoignent les cours de langue, entre autres. Il s'agit plutôt de donner les clés d'entrée dans la société française aux immigrés qui n'y ont qu'accès partiellement et difficilement par le biais de l'école ou du travail.
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Agir pour le bidonville
Fonds CIMADE F Delta 2149/1001. Coll. La Contemporaine. Deuxième page du rapport d'activités de la CIMADE
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Grandir au bidonville
Fonds Jean Pottier. Coll. La Contemporaine.
Jean Pottier s’est attaché à montrer la vie quotidienne des enfants d'immigrés qui vivent dans les bidonvilles ou les cités. Dans le premier cas, la petite fille participe certainement à un atelier de dessin organisé par l'ASTI (Association de Soutien aux Travailleurs Immigrés). C'est un organisme non-gouvernemental créé en 1979 qui lutte pour des droits civiques et politiques égaux pour les immigrés. Comme la CIMADE, elle s'engage dans la scolarisation, la lutte contre la discrimination, l'accueil des réfugiés et sans-papiers, pour une société nouvelle, forte de sa diversité. Aux actions politiques s'ajoutent des actions tournées vers les enfants et les jeunes, autour d'animations culturelles notamment. Ce type d'activités vise surtout à donner aux enfants des activités extrascolaires pour les occuper quelques heures de leur quotidien précaire et souvent difficile.
Voir slides suivants pour la description de chacune des photographies
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Grandir au bidonville
Fonds Jean Pottier. Coll. La Contemporaine.
Cette photographie, datée de 1964, on voit deux enfants d'origine maghrébine portent un uniforme de scout.
Nous pouvons rapprocher cette photographie de l’action de la CIMADE. En effet, ces deux enfants portent des uniformes de scouts. Or, la CIMADE est un mouvement protestant très lié au scoutisme, notamment aux Éclaireuses et Éclaireurs de France. D'autres associations chrétiennes ont pu également intervenir auprès des enfants des bidonvilles et des cités afin de leur offrir des activités et de faciliter leur intégration en France. Outre la dimension religieuse, le scoutisme est une éducation à des valeurs occidentales. A l’inverse de la première photographie, celle-ci vise à l’intégration, par les enfants immigrés, d’une culture typiquement occidentale.
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Grandir au bidonville
Fonds Jean Pottier. Coll. La Contemporaine.
Sur cette photographie, datée de 1980, on voit une petite fille penchée sur une feuille de papier en train de peindre. Ici, la petite fille bénéficie du matériel de dessin fourni par l'ASTI: elle peint une khamsa. Il s'agit d'un symbole porté par les habitants d'Afrique du Nord à la manière d'un talisman ou d'un bijou, dans le but de les protéger du mauvais œil. C'est une représentation associée à Tanit, déesse berbère. Elle est plus communément appelée Main de Fatma, de Fatima ou de Myriam. Il est donc question pour l'organisme de permettre aux enfants de s'intégrer tout en leur donnant la possibilité d'entretenir leurs liens avec la culture familiale et le pays de leurs parents.
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