Depuis 1991 et l'effondrement du bloc communiste, les Etats-Unis semblent être à leur apogée tant leur domination est incontestée, leur conférant le statut de superpuissance : un Etat qui rayonne par ses ressources économiques, militaires, culturelles, politiques. La dislocation de l’URSS lui réserve le titre de seule superpuissance qu’elle concrétise lors de la première Guerre du Golfe (1990-1991). Les Etats-Unis prennent la tête de la coalition internationale pour repousser l’invasion du Koweït par le président irakien, Saddam Hussein.Cependant, la victoire de la coalition ne dépose pas Saddam Hussein et les Etats-Unis imposent un blocus sur l’Irak qui va considérablement ralentir l’économie du pays. Saddam Hussein a imposé le parti nationaliste Baas au pouvoir en 1968, et il est devenu officiellement président en 1979. Il exerce un pouvoir autocratique et mène une politique de répression contre les minorités du pays, ce qui augmente les tensions avec les Etats-Unis.
Après les attentats du 11 septembre 2001, le président américain George W. Bush accélère la politique interventionniste dans le monde arabo-musulman. Il décide d’accomplir la « Destinée Manifeste » des Etats-Unis qui doivent guider le monde vers la démocratie, et dressent une liste des « Etats voyous » (rogue states) le 22 octobre 2002 : Iran, Irak, Corée du Nord, Lybie, Afghanistan.
Sous prétexte d’un développement d’armes de destruction massive (déclaration de Colin Powell à l’ONU le 5 février 2003), les Etats-Unis se lancent dans une nouvelle guerre en Irak le 20 mars 2003. La France, « alliée de toujours », condamne l’interventionnisme américain par la déclaration de Dominique de Villepin, alors ministre de l'Intérieur, à l’ONU le 14 février 2003, à l’inverse d’autres pays européens comme le Royaume-Uni . Une crise diplomatique éclate : c’est un choc pour l’opinion américaine qui y voit un acte de trahison ; en France, l’opinion est scandalisée par la brutalité de son allié qui occupe le pays : Prise de Bagdad le 9 avril, fin des combats et début de l’occupation le 1er mai, capture Saddam Hussein le 13 décembre qui sera jugé par le nouveau gouvernement irakien et pendu 20 décembre 2006. Les Etats-Unis font alors face à une résistance de la population assez importante jusqu'à leur départ du pays en 2011.
Ce dossier, constitué à partir des fonds de la BDIC, met en lumière les manisfestations de l'opposition à la guerre de 2003 en France, à travers tracts et publications militantes. Il aborde notamment les tensions liées aux ressources stratégiques comme le pétrole ou le gaz irakien, ou le danger d’un armement massif de certains Etats comme l’Iran. Et montre de quelle façon les débats autour de la guerre en Irak, à travers les dessins humoristiques, peuvent servir aussi à évoquer des sujets politiques conclituels à l' échelle locale en France.
Dossier réalisé par Maxime HENRIET et Marek-Dimitri ABOU FADEL, étudiants en L3. cours Histoire en Action/Université Paris-Nanterre
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Non à la guerre en Irak
BDIC. Recueil « Manifestation guerre en Irak. Tracts ». F Delta 1819. Ce tract des Jeunesses communistes révolutionnaires (JCR) distribué en octobre 2002 sur le campus de l’Université de Nanterre, appelle à une manifestation contre la guerre. Elle se situe dans un contexte où les enquêteurs de l’ONU sont alors en quête d’armes de destruction massive en Irak et où les États-Unis ne cachent pas leur intention d’effectuer une opération militaire sans l’accord de l’ONU.
Le document traite des raisons supposées de la guerre, soit l’avidité du géant américain pour le pétrole irakien et leur volonté d’être les gendarmes du monde. Tous les enjeux géostratégiques de la région sont exposés, en critiquant l’hypocrisie américaine qui recherche avant tout l’hégémonie. Il interpelle également le président français Jacques Chirac sur la participation éventuelle de la France au conflit. Enfin, il met en lumière les premières victimes de l’embargo et du futur conflit : les civils
Ce tract est distribué quatre mois avant le discours du ministres des affaires étrangères français Dominique de Villepin à l’ONU, se prononçant contre une intervention en Irak. Les JCR prévoient à cette période une alliance de la France avec les États-Unis.
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Boycott de tous les produits étasuniens
BDIC. "Recueil, manifestations guerre en Irak". F Delta 1819. Ce tract a été distribué à l’université de Nanterre au cours de l’année 2003. Ses auteurs, inconnus, se nomment "militants ». Ce tract appelle à une réaction face à la politique interventionniste des États-Unis en Irak, en incitant la population, notamment étudiante, à boycotter tous les produits « étasuniens ». Ils n’utilisent pas l’adjectif « américain » car ils ciblent uniquement les habitants des États-Unis et non les peuples habitant sur le continent américain. La liste des grandes marques représente « l’impérialisme » américain, caractéristique par son influence économique : Marlboro ou Coca-Cola sont présents partout dans le monde et propagent le mode de vie américain, tout comme Nike ou Reebok propagent le style vestimentaire américain . Le but de ces militants est de s'attaquer à l'économie du pays, argument majeur de la superpuissance étasunienne. Il s’agit également de dégrader ou d’occuper pacifiquement des sièges de multinationales américaines pour montrer le refus de la politique des États-Unis et acter leur perte d’influence. Le boycott est un moyen de résistance facile à mettre en œuvre et qui implique des marques très présentes dans le milieu étudiant.
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Le massacre d'un peuple
BDIC. "Recueil, manifestations guerre en Irak". F Delta 1819.Cette page est un extrait d'un numéro spécial de Jeunesse Révolution, de mars 2003, traitant de la guerre en Irak : ce caractère spécial montre à quel point la mobilisation de la jeunesse étudiante militante était importante après l’invasion américaine du 20 mars. Nous sommes à un moment majeur dans l'histoire de la géopolitique américaine du XXIe siècle où la remise en cause des Etats-Unis est visible dans les multiples manifestations contre la guerre en Irak dans les métropoles occidentales (le 22 avril à Londres, Madrid, Paris, Rome, New York…).
Le titre de cette page et argument des auteurs : « c’est le massacre d’un peuple », s’oppose à l’argument du gouvernement américain de la « guerre pour la démocratie » au nom de la Destinée manifeste. Le but est de montrer la collusion entre l’interventionnisme et les intérêts financiers, principal argument « français » contre la guerre en Irak. On y voit des citations de personnalités du monde financier, françaises et américaines, qui soutiennent cette guerre en Irak : le directeur du FMI parlant d’une guerre bonne pour l’économie, le ministre français des finances qui parle de « conséquences positives » si la guerre est rapide… Ils réduisent ainsi l’Irak à un pays de pétrole en sous-développement qui nécessite une reconstruction sur le modèle du « nation building ». Ces citations dévoilent une ignorance quant à la situation complexe de la région, et un aspect désintéressé qui lie effectivement la ressource stratégique du pétrole à la nécessité de la guerre.
On y voit également une référence au sort des Palestiniens dans la rubrique de gauche qui rappelle le jeu entre Israël et les Etats-Unis au Moyen-Orient. Il s’agit de montrer toutes les collusions sous-jacentes comme celles entre les financiers français et américains. Ces citations ont été choisies pour soutenir l’attaque contre les financiers au nom de l’anticapitalisme et de l’antiaméricanisme assumés par la ligne éditoriale de Jeunesse Révolution.
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Où peut donc se cacher Saddam? ?
Veesse Guerre d'Irak - Dessins de presse de Mulhouse. OR 8208-8211. Ce dessin paraît dans le journal L’Alsace au mois de juin 2003. La guerre est officiellement finie et les États-Unis pourchassent Saddam Hussein, ses anciens généraux et les hauts-placés du parti Baas pour les livrer à la justice irakienne.
On reconnaît Saddam Hussein à sa moustache, son nez exagéré et son béret militaire. Il arbore un tee-shirt où il est inscrit « TT » (Tram pour Tous) et se trouve justement devant le chantier du tramway de Mulhouse. Il barre le chemin à des enfants et se fait donc passer pour quelqu’un d’autre pour se cacher des Américains. La caricature est accompagnée d’un commentaire ironique : « Mais où peut donc bien se cacher Saddam ? » et rappelle la chasse à l’homme entreprise par les Américains, dont l'intervention en Irak de mars 2003 n'a toujours pas permis l'arrestation du dictateur. Les affaires locales ici se mélangent aux événements géopolitiques mondiaux. Les Américains ne captureront Saddam Hussein que le 13 décembre 2003 dans un sous-sol d’une ferme près d’Al Dor.
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Toutes les compétences sont les bienvenues
Veesse. Guerre d'Irak. Dessins de presse de Mulhouse. BDIC. OR-8208-8211 Ce dessin humoristique paraît dans le quotidien régional "L’Alsace" au mois de mai 2003. Son auteur Vincent Scherrer, dit Veesse, est un ancien ouvrier de Mulhouse qui dessine pour des publications militantes et écologistes. Le 1er mai, le président Bush annonce la fin de l’opération en Irak et le début de l’occupation et de la reconstruction.
A proximité d’un soldat américain posté devant Bagdad-City dévastée, un panneau publicitaire fait contraste. Sur celui-ci, un homme souriant arbore un tee-shirt portant les lettres TT ("Tram pour tous"), et fait de la publicité pour la reconstruction de l’Irak avec le commentaire : « Construisons ensemble ». Les partisans de l’implantation du tramway à Mulhouse se proposent de participer à reconstitution de Bagdad. La guerre en Irak et les difficultés qui s'annoncent pour les États-Unis, induites par l'expression "toutes les compétences sont bienvenues", servent de référence pour évoquer une question politique locale, signe de l’impact médiatique de la guerre et des débats qu'elle suscite.
Veesse utilise un conflit international controversé pour aborder la politique d’aménagement d'une ville ne faisant pas l'unanimité, en effectuant un parallèle entre les deux sujets.
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Les difficultés pour Washington et Londres ne font que commencer
BDIC. "Irak, documents par pays". F Delta 2177/31 Cet article a été rédigé par le professeur d’université Gilbert Achcar puis publié dans l’hebdomadaire Rouge (Ligue communiste révolutionnaire) le 24 mars 2003. Les États-Unis ont envahi l’Irak quatre jours auparavant. L’auteur dénonce la précipitation des États-Unis à entrer en guerre et revient sur les raisons qui annoncent des conséquences problématiques de cette intervention : les difficultés du tandem Bush-Blair face notamment au mouvement anti guerre, la gestion de l’après-guerre sur le terrain, avec des américains perçus moins en « libérateurs », qu’en envahisseurs responsables de l’embargo.
Tous droits réservés (diffusion avec autorisation de l'auteur)
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